WANG MENG

WANG MENG
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Quatre grands peintres du XIVe siècle ont été choisis par les auteurs de la postérité comme les meilleurs représentants de la profonde mutation artistique survenue sous les Yuan, et réunis sous le vocable de «Quatre grands maîtres Yuan». Ce choix est le fruit d’une longue élaboration qui, au cours du XVe et du XVIe siècle, en élimine la figure – pourtant essentielle – de Zhao Mengfu (1254-1322). Le concept se fixe définitivement avec Dong Qichang (1555-1636), grand peintre et théoricien de la fin des Ming, pour glorifier les noms de Huang Gongwang (1269-1354), Wu Zhen (1280-1354), Ni Zan (1301-1374) et Wang Meng (env. 1308-1385). Si cette notion ne recouvre pas de réalité sociale – ces peintres ne formèrent pas un groupe –, l’association de ces noms n’est toutefois pas dénuée de fondement: les quatre hommes se connurent et entretinrent des rapports d’amitié ou de respect. Mais une différence d’âge importante sépare les aînés, Huang Gongwang et Wu Zhen, de leurs cadets, et l’œuvre des quatre maîtres, rattachée de façon simplificatrice à la tradition méridionale de Dong Yuan et Juran (peintres des Cinq dynasties), témoigne d’une diversité de styles et d’une évolution certaine au cours du XIVe siècle. La période d’activité de Ni Zan et de Wang Meng, les benjamins des quatre maîtres, déborde d’ailleurs largement sur la période Ming (1368-1644).

Le «bûcheron du mont de la Grue jaune»

C’est à Wuxing (Huzhou) que naquit Wang Meng, dans les premières années du XIVe siècle. D’une famille illustre, il compte pour grand-père maternel Zhao Mengfu, le peintre et calligraphe le plus renommé du début des Yuan, et son père, Wang Guoqi, est un poète et un collectionneur célèbre. Nul doute que ces origines aient beaucoup compté dans l’éducation et la formation du jeune Wang Meng. On sait fort peu de chose de sa vie. Sa carrière de fonctionnaire ne fut pas exceptionnelle puisqu’il est mentionné au poste peu élevé de juge provincial (liwen ), puis, après l’avènement du premier empereur Ming, au poste de préfet de Tai’an (Shandong), qu’il conserve une dizaine d’années. Entre les deux s’écoule une longue période de retraite, coïncidant avec les années de chaos et de guerre qui déchirent la Chine du Sud, et marquent la chute de la dynastie mongole et l’établissement de la nouvelle dynastie nationale des Ming, en 1368.

Dès les années 1340, en effet, Wang Meng s’installe sur le mont de la Grue jaune (Huangheshan), aux environs de Hangzhou, et adopte le surnom de «bûcheron du mont de la Grue jaune», dont il signera la plupart de ses peintures. Durant près de trente ans, Wang Meng, comme nombre de ses congénères, lettrés écartés de la vie publique, va partager son temps entre sa retraite montagnarde et des pérégrinations dans toute la région, au cours desquelles il rencontre les principaux artistes et participe aux grandes réunions littéraires tenues à Suzhou, Kunshan, Songjiang... La vogue des poèmes de circonstance inscrits sur les peintures se développe à cette époque; ces écrits, subsistant sur les œuvres ou conservés dans les anthologies et catalogues postérieurs, constituent de précieux témoins des rencontres et des activités des artistes Yuan. Nous apprenons ainsi que, en 1342, Huang Gongwang rédigea un poème sur un paysage de Ni Zan (Chunlin yuanxiu tu ) que lui avait apporté Wang Meng; qu’en 1361, Ni Zan et Wang Meng peignent et signent en collaboration un paysage (Gugong, Taipei), ou qu’en 1365, lors d’une importante réunion tenue chez Lu Shanfu, mécène lettré de Suzhou, Wang Meng exécuta une peinture du «pavillon pour écouter la pluie» – lieu de la réunion –, sur laquelle de nombreux assistants inscrivirent un colophon.

Dans les années 1360, Wang Meng semble résider souvent à Suzhou qui demeure le centre culturel le plus actif, prospérité due à une vie économique intense et à un rôle politique accru depuis que Zhang Sicheng, chef d’une faction opposée aux Yuan, en a fait sa capitale en 1356. Wang Meng n’accepte pas de poste auprès de Zhang Sicheng, mais plusieurs amis du maître sont membres de son gouvernement. Il est possible que son appartenance au milieu proche du principal rival du futur fondateur des Ming ait joué un rôle dans la disgrâce ultérieure de Wang Meng. En effet, après avoir servi dix ans la nouvelle dynastie, Wang Meng finit sa vie en prison, impliqué dans un complot qui va conduire, à partir de 1380, des centaines de lettrés chinois en prison ou à la mort; purge sanglante qui aura pour conséquence d’appauvrir pendant une génération la vie intellectuelle et artistique du pays.

Wang Meng, héritier du style Dong-Ju et de Zhao Mengfu

Les textes traditionnels s’accordent pour situer Wang Meng, ainsi que les trois autres «grands maîtres Yuan», dans la lignée des grands paysagistes méridionaux du Xe siècle: Dong Yuan et son élève, Juran. Les œuvres les plus anciennes de Wang Meng attestent en effet cette dette, ainsi que celle qu’il garde envers son célèbre aïeul, Zhao Mengfu. Parmi les compositions datées de Wang Meng, les plus anciennes se rapportent à la décennie 1340-1350 et marquent une phase charnière de son art. Huttes de feuillages dans les monts orientaux , rouleau vertical daté de 1343 (Gugong, Taipei) – peut-être une copie Ming d’un original du maître –, reprend une composition traditionnelle en trois plans, dont le premier, de plain-pied avec le spectateur, est séparé du massif rocheux du fond par une large étendue d’eau intermédiaire. On trouve pourtant ici les prémices de l’évolution ultérieure du peintre, dans le rapprochement de la vue et dans la liaison des différents plans. Le motif de la montagne en falaises étagées deviendra un poncif des paysages de la fin des Yuan et du début des Ming. Ermitages dans les montagnes d’été (Freer Gallery, Washington), daté de 1354 et peint sur soie, témoigne d’une allégeance encore plus grande aux styles des maîtres anciens. On y retrouve le schéma des paysages de rivière de l’école Dong-Ju, largement illustré à la même époque, dans les copies de Juran, par Wu Zhen (Aurore printanière sur le fleuve pur , Gugong, Taipei). La forme des montagnes est directement héritée de Juran, mais l’origine de certains motifs – saules, arbres de premier plan, joncs affleurant l’eau – et le traitement de la colline avançant au plan intermédiaire, doivent être recherchés chez Zhao Mengfu (Couleurs d’automne , Gugong, Taipei; Village au bord de l’eau , musée du Palais, Pékin).

Évolution vers une composition fermée, à structure complexe

Au cours des années 1360-1370, Wang Meng, définitivement détaché des compositions Song et ayant interprété en un sens résolument individuel et expressionniste les techniques et les motifs anciens, crée des œuvres très personnelles, caractérisées par la projection en avant de la composition, le télescopage des plans et le traitement complexe des surfaces. Retraite forestière à Juqu et Sages ermites parmi monts et rivières , deux peintures conservées au musée de Taipei (Taiwan), offrent de bons exemples de cette phase. La scène occupe tout le format; le traitement très dense des surfaces dénote une sorte d’«horreur du vide», attitude nouvelle dans la peinture chinoise, caractéristique de Wang Meng. Les rides en fibre de chanvre (bima cun ), en chanvre emmêlé (luanma cun ), en poil de bœuf (niumao cun ), les points noirs à l’encre «brûlée» qui escaladent les pentes et se massent dans les accidents du relief, confèrent aux formes créées par Wang Meng une vibration interne, un mouvement ondulatoire et ascendant. Cette dynamique est accentuée par le choix des formats verticaux et étroits. Contrairement aux autres peintres Yuan qui, sous l’influence de Zhao Mengfu, ont presque unanimement abandonné la couleur et concentrent leur recherche sur les «jeux d’encre», Wang Meng utilise largement la couleur pour aviver encore les contrastes de l’encre, exacerber les effets de bouillonnement des surfaces, de tension interne, qui caractérisent le style quasi baroque de ses dernières années.

Ce n’est qu’au XVIe siècle, longtemps après sa mort, que Wang Meng connaîtra une célébrité méritée. Le style puissant et original de sa maturité influencera profondément Wen Zhengming (1470-1559) et ses disciples de l’école de Wu.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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